Briga-boum by Susan Goodwill

Auteur:Susan Goodwill [Goodwill, Susan]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: ADA
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

VINGT-DEUX

Je m’assis sur les marches du porche en briques, puis m’enveloppai étroitement dans mon blouson. À un demi-pâté de maisons de là, les nuages filaient derrière le phare. La température avait dû chuter d’une dizaine de degrés depuis le matin. Le vent tourbillonnait et sifflait entre les arbres. Il charriait le typique avertissement automnal du Michigan : « Sortez tandis qu’il en est encore temps ». Des papiers et des sacs d’épicerie en plastique roulaient sur le trottoir.

Quelques minutes plus tard, j’entendis un bruit de pas derrière moi. Je me mis sur mes pieds et pivotai. Ben se dressait devant moi. Je me sentais petite et désavantagée. J’aurais bien aimé porter des talons hauts.

— Vas-tu arrêter Howard ? demandai-je.

— Non. Mais nous allons vérifier son alibi.

Ben se dirigea vers le trottoir. Je descendis les marches, Ben sur les talons.

— Et nous allons également vérifier ce qui se passe à Lansdowne, ajouta-t-il. Tu n’as rien à me dire sur cet endroit ?

J’ouvris la bouche, la refermai et secouai la tête. Je tournai le coin de l’immeuble pour aller récupérer ma bicyclette.

— Marchons un peu, dit Ben.

Les battements de mon cœur s’accélérèrent. J’essayai de me convaincre que c’était parce que j’étais en colère, que j’avais peur de me faire sermonner ou d’être arrêtée. Mais ce n’était pas ça. Pas question que je retombe amoureuse de ce type. Je n’étais tout de même pas bête à ce point.

Je regardai Ben. Appuyé contre l’édifice, un pied au mur et les mains dans les poches, il m’attendait. Le vent jouait dans ses boucles sombres, et ses yeux, bleus en ce moment, m’observaient tandis que je poussais mon vélo jusqu’à lui. Je me dressai légèrement sur la pointe des pieds pour gagner quelques centimètres.

— Tu ne vas pas m’arrêter encore une fois, n’est-ce pas ?

— Non. J’essaie d’y renoncer.

Ses lèvres s’incurvèrent en un petit sourire en coin et sa fossette se creusa. Un courant électrique parcourut mon corps et mon cœur vint frapper contre mes côtes.

Pas question.

Je détournai à grand-peine les yeux de son visage et, pour éviter qu’ils échouent sur une autre partie de son anatomie, je les portai sur les eaux houleuses.

Nous traversâmes la rue et marchâmes vers le parc situé en face du phare. Les mains posées sur le guidon, je poussais mon vélo. Je levai les yeux vers la haute tour de briques blanche cerclée de bandes noires.

Il m’imita. Les nuages s’écartèrent et la vitre de la fenêtre entourée d’un cadre rouge étincela brièvement sous l’éclat du soleil, comme si le projecteur à l’intérieur lançait son signal. Ben cessa de marcher et posa les coudes sur le muret de pierres.

Je m’arrêtai à mon tour.

— Je sais que tu es allée à Lansdowne. Kitty a raison, ces types-là sont des durs. Nous les avons à l’œil.

Ben hésita une fraction de seconde.

— Je devrais t’ordonner de cesser de fourrer le nez partout comme tu le fais. De nous laisser, les gars de l’État et moi, tirer cette affaire au clair. Mais, en fait, ça ne peut pas nous nuire.

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